La rue Louis Rolland... lieu de mémoire

4 rue Louis Rolland, chez les Federman


Au 4, rue Louis Rolland, règnent Léon le tailleur - on peut toujours y voir l'enseigne sur son atelier - et la tante Marie.
Ils sont partis à temps, prévenus par Marius, le cafetier du coin.
Les Federman, qui occupent un petit logement au 3e étage, restent.
Le père qui se disait artiste-peintre, la mère qui faisait des ménages, les deux sœurs et Raymond.
Quand la police frappe à la porte de la famille Federman, en juillet 1942 lors de la rafle du Vel d'Hiv', pour déporter Marguerite, Simon, Sarah, Jacqueline et Raymond Federman, la mère cache Raymond dans un placard en lui glissant "Chut..." en guise de parole d'adieu.
Il est sauvé, tandis que les siens sont emportés sans retour.

Quelques mots de Raymond à propos de Montrouge et de la rue Louis Rolland :
" Quand je dis Montrouge maintenant à quelqu'un, tout de suite on me dit : Ah Montrouge c'est chouette comme banlieue.
C'est un coin drôlement recherché par les nouveaux parvenus.
Peut-être ! Votre Montrouge est agréable, c'est gentil - on y vit bien, mais de mon temps, Montrouge, où j'ai passé ma triste et malheureuse jeunesse, c'était une banlieue prolo plutôt crado.
Je vivais là avec mes parents et mes deux sœurs dans un petit taudis dégueulasse et rue Louis Rolland, un minuscule appartement , dans des conditions de vie dérisoires, le contraste avec le standing de l'oncle et la tante, les " riches ", propriétaires de l'immeuble.
Vous n'avez pas connu la tannerie qui se trouvait en face de chez nous, où les Sidis travaillaient.
Vous n'avez pas vécu avec l'odeur qui émanait de cette tannerie avant qu'elle ne brûle.
Dommage que me parents et mes sœurs ne puissent pas voir comme la rue Louis Rolland est devenue si agréable."


Raymond Federman a émigré aux états unis en 1947 où il a enseigné à l'Université de Californie (1959-1964) puis à l'Université de Buffalo dans l'état de New York d'où il a pris sa retraite en 1999 avec le titre de professeur émérite.
Derrière lui, une quarantaine de livres, dont certains traduits en une douzaine de langue…



19 rue Louis Rolland, chez les Mège


Etienne Mège travaillait comme opérateur radio au ministère de la Marine à Toulon.
Il fut muté à Paris.
Son fils Georges (pseudonyme: "Pitchoum" en raison de son jeune âge) terminait une formation d'électricien.
Engagés dans les Forces françaises combattantes dans les réseaux "Alibi et Sosies" dirigés par les lieutenants-colonels Charaudeau et Pontchardier, ils étaient chargés de transmettre des messages codés à Londres sur les déplacements des troupes allemandes et le repérage des rampes de lancement des V1 et V2 en particulier.
Arrêtés par la Gestapo le 30 juillet 1944 au 19 rue Louis Rolland à Montrouge où ils habitaient, ils furent déportés à Buchenwald par le dernier convoi le 15 août 1944.
A Dernau, (Rhénanie), ils travaillèrent sous la menace des SS dans des tunnels dans des conditions inhumaines.
Devant l'avance des alliés, ils furent évacués au prix de la mort de centaines d'entre eux, d'abord à marche forcée vers l'Allemagne, puis remisés dans un train de marchandises que les SS devaient faire sauter.
Après une tentative d'évasion lors d'un bombardement, repris, ils furent libérés le 8 mai 1945 à Ceske Budejovice par des partisans tchèques mais Etienne, gravement blessé par une balle tirée par un SS, dans un état de dénutrition extrême, mourut le 16 mai 1945.
Georges, revenu grand invalide à la suite des privations et des sévices subis, est décédé en 2000.
Les personnages des "Mège" père et fils du roman de Dominique Pontchardier "Les portes de l'enfer" (Gallimard 1950) s'inspirent largement des actes de résistance d'Etienne et de Georges.



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